La langue des signes de Belgique francophone : histoire d’une évolution

En Belgique francophone, la langue des signes de Belgique francophone (abréviation « LSFB ») a été reconnue par la Communauté française le 22 octobre 2003.

Vous remarquerez que l’acronyme ne correspond pas à l’appellation (l’ordre de « F » et « B » est inversé). Cette langue des signes est pratiquée depuis deux siècles mais ce n’est que quand elle a été reconnue qu’il a fallu lui choisir un nom. On ne pouvait pas l’appeler la langue des signes française de Belgique car ce n’est pas une langue des signes française (LSF, voyez ici pour comprendre pourquoi c’est différent) qui serait pratiquée en Belgique. Il a donc été choisi de l’appeler « langue des signes de Belgique francophone » et l’abréviation LSFB été adoptée pour souligner qu’elle nous vient de cette langue des signes française et que l’une et l’autre sont relativement mutuellement intelligibles. Ce sont les français qui ont apporté la langue des signes en Belgique au début du 19e siècle, laquelle a ensuite évolué pour devenir la LSFB que nous connaissons et ses variantes régionales.

Des variantes régionales ? Lorsqu’on explique cela, on nous répond souvent que ce n’est pas malin car la langue des signes n’est déjà tellement pas connue qu’il ne faut pas en faire des variantes ! Et pourtant il y a en a, et elles n’ont pas été fabriquées pour ennuyer les entendants.

On explique cela par le fait que la langue des signes s’est historiquement développée dans les lieux ou les personnes sourdes se rencontraient entre elles, c’est-à-dire les écoles spécialisées, d’abord, et puis les foyers pour sourds. L’histoire des écoles pour sourds en Belgique francophone est racontée ici. Elle retrace l’historique de leurs fondations, et rappelle que la langue des signes a été progressivement interdite dans les écoles pour sourds à la suite d’un Congrès qui s’est tenu à Milan en 1880, et où des personnes entendantes ont décrété, sans les personnes sourdes, que la langue des signes ne devait pas être une langue d’enseignement. Pourtant, telle est tellement nécessaire à la pleine réalisation sociale et académique des enfants sourds qu’elle s’est développée dans la clandestinité, d’abord dans les cours de récréation des instituts spécialisés, et au sein des foyers et centres de rencontres culturelles et sportives pour adultes sourds, une fois qu’ils sortaient de ces institutions.

Les variantes régionales qui en ont découlé sont restées mutuellement compréhensibles et n’ont pas constitué, à elles seules, des langues des signes différentes les unes des autres, ni même des dialectes. Les six principales variantes sont celle des écoles qui sont ou étaient implantées à Uccle, Berchem, Woluwé, Liège, Ghlin et Bouge.

Ensuite, dans les années 1980 et à la suite de rébellions dans la communauté sourde contre cet interdit, la langue des signes a repris progressivement du terrain dans le milieu de l’enseignement et dans la sphère publique. Elle a commencé à être enseignée, et des cours de langue des signes ont vu le jour en 1979 (cette histoire est racontée ici). A partir de là, les enseignants se sont demandés comment ils allaient l’enseigner, surtout aux enfants sourds et aux adultes entendants. Ils ont jugé bon à l’époque, d’instaurer une norme lexicale et un groupe de travail appelé l’ORULS (Organisme de Recherche pour l’Unification de la Langue des Signes) a été fondé. Les travaux de ce groupe, dont les méthodes ont été fortement critiquées par la suite, ont donné naissance aux indispensables et premiers lexiques de vocabulaire qui formaient à l’époque, les seuls supports pédagogiques dont on disposait pour enseigner la langue des signes. L’unification qui a résulté de ces travaux a connu un succès relatif et petit à petit, des personnes sourdes adultes se sont rebellées contre cette norme qui leur semblait imposée. L’unification artificielle de la LSFB a ensuite perdu du terrain et aujourd’hui les associations qui la défendent lui préfèrent une certaine richesse lexicale, qui prend ses racines dans les variantes régionales, mais aussi, et de plus en plus, dans l’influence de la langue des signes française et des signes internationaux. Cette dernière influence est aujourd’hui controversée, étant tantôt acceptée, tantôt rejetée.

La langue des signes étant une langue à tradition orale n’ayant aucun système d’écriture connu par la grande majorité de ses utilisateurs, on constate actuellement qu’il y a aussi des variantes générationnelles importantes. Ces variantes sont d’autant plus importantes que la transmission ne se fait pas toujours adéquatement d’une génération à l’autre, et que la langue des signes de Belgique francophone n’est toujours pas une langue d’enseignement solidement installée dans les institutions spécialisées pour enfants sourds. Dans ces institutions, on lui préfère encore le français signé, qui comporte de nombreux inconvénients pédagogiques.

Aujourd’hui, on assiste malgré tout à une homogénéisation de la LSFB qui se fait, cette fois, naturellement, grâce à Internet et aux nouvelles technologies comme les applications mobiles et les systèmes de messageries instantanées qui permettent la communication par visiophonie, les groupes de discussion sur Facebook et la possibilité d’y converser par vidéos. Ou encore, les vidéos hébergées sur les plateformes en ligne, etc.


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