Journée Internationale des Langues des Signes 2020

Communiqué de presse - 23 septembre 2020


Vous pouvez désormais retirer votre masque pour communiquer avec une personne sourde ou malentendante [1] . Mais avez-vous aussi pensé aux langues des signes ? La Fédération Francophone des Sourds de Belgique souhaite rappeler, à l’occasion de cette journée et une série de diffusions sur les réseaux sociaux www.facebook.com/FFSBelgique, que les langues des signes sont, pour les personnes sourdes et malentendantes, une condition d’accès au plein exercice aux droits de l’Homme. Explications :

Les droits de l’Homme représentent un ensemble de droits inaliénables qui sont interconnectés entre eux et auxquels tous les Hommes ont droit, quelle que soit leur nationalité, leur lieu de résidence, leur sexe ou leur origine nationale ou ethnique, leur handicap, leur religion, leur culture ou leur langue. Tous doivent être en mesure de les exercer sans subir de discriminations. Ces droits sont d’ordres :

  •  civil (droit de vivre),
  •  politique (droit de contribuer à la société),
  • économique (droit de travailler),
  • social (droit d’être éduqué),
  • culturels (droit de faire partie d’une minorité culturelle et d’utiliser des langues des signes) et
  •  collectifs (droit au développement et à l’auto-détermination)

et ils fondent les bases d’une société où les individus sont égaux et sans discriminations.

Souvent, la privation de l’un affecte les autres.

Or les langues des signes sont les seules langues que les personnes sourdes peuvent utiliser sans effort et c’est le seul moyen pour elles de participer pleinement à la société et d’être inclues dans leurs communautés. Ainsi, le droit à la langue des signes et l’appartenance à une communauté de personnes sourdes est un droit humain d’ordre culturel. Il est aussi lié au droit à recevoir une éducation de qualité et à travailler dans un environnement inclusif.

La mise à disposition d’interprètes en langue des signes diplômés et qualifiés est le seul moyen d’assurer ces droits à l’égalité et à l’absence de discriminations pour les personnes sourdes et de leur permettre d’accéder à toutes les sphères de la société.

Dans la pratique, pourtant, en Belgique francophone, seule une poignée de professionnels assure une faible proportion des interprétations sollicitées, lesquelles sont elles-mêmes, bien inférieures aux besoins réels. Le métier connait une réelle pénurie[2]. Et pourtant, paradoxalement, il n’est pas reconnu en tant que tel ni auprès du FOREM ni d’ACTIRIS car le manque de données disponibles empêche d’étayer le besoin. Or, l’Etat belge a le devoir de mettre des études sur pied permettant d’évaluer avec justesse les besoins des personnes sourdes et malentendantes. Il ne le fait pas suffisamment et ne prend pas d’initiatives en la matière. Dans la partie francophone, il ne tient pas non plus de conseil d’avis accessible qui permettrait de faire remonter les besoins des personnes sourdes et malentendantes.

En Communauté française, un décret datant du 22 octobre 2003 la reconnaît la langue des signes de Belgique francophone et prévoit la constitution d’une Commission Consultative de la Langue des Signes. Cette commission composée de différents représentants de diverses institutions subventionnées par la Communauté française, et ayant un lien avec la langue des signes, est chargée de remettre au Gouvernement des avis et des propositions sur l’utilisation de la langue de signes. Elle doit aussi fixer quelles sont les mesures d’exécution qui sont nécessaires pour qu’elle puisse être effectivement utilisée. Dans les faits, celle-ci ne s’est plus réunie depuis 2015. Cela fait donc cinq ans que la langue des signes n’a aucune place institutionnelle, au travers d’un organe de consultation approprié.

Au niveau Fédéral, ni la langue des signes de Belgique francophone (LSFB) ni la Vlaamse Gebarentaal (VGT, langue des signes de la région flamande) ni la Deutsche Gebärdensprache (DSG, langue des signes de la communauté germanophone) ne sont reconnues. Rien n’oblige donc notre gouvernement à les prendre en compte, si ce n’est la ratification, en 2009, de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Cette Convention replace pourtant l’usage des langues des signes en tant que condition sine qua non pour l’accès aux biens et services et aux droits de l’Homme pour les personnes sourdes et malentendantes.

Ainsi, si les Conférences de Presse du Centre de Crise et du Conseil National de Sécurité sont interprétées dans les deux langues des signes les plus utilisées en Belgique (la LSFB et la VGT) depuis le début de la crise sanitaire, et ce grâce à l’interpellation conjointe des deux Fédérations représentant les personnes sourdes et malentendantes (nous, la FFSB, et la Doof Vlaanderen en flandre), cela est uniquement dû à la bonne volonté du Cabinet de la première ministre Sophie Wilmès.

Le contexte de crise sanitaire que nous connaissons laisse apparaître plus que jamais encore, l’importance pour les personnes sourdes et malentendantes d’avoir accès à l’information à l’égal des autres personnes. Cependant, il n’y a toujours rien qui, dans la loi belge, consacre et fixe profondément ce droit à l’accessibilité par le biais des langues des signes.

La Journée Internationale des Langues des Signes rappelle donc l’importance d’effectuer un bond en avant, en ancrant ces droits dans la pratique, tant en adaptant la législation à tous les niveaux de pouvoir qu’à travers la tenue et l’accessibilité effectifs des organes de consultation des personnes handicapées, dont sourdes et malentendantes. Sans les langues des signes, nous n’avons pas de voix.

[1]Considérant que le port d'un masque ou de toute autre alternative en tissu joue un rôle important dans la stratégie de retrait progressif des mesures; que le port du masque est dès lors recommandé à la population pour toute situation où les règles de distanciation sociale ne peuvent être respectées afin d'éviter la poursuite de la propagation du virus; qu'il est obligatoire dans certains établissements et certaines situations spécifiques; qu'il ne peut être ôté que le temps strictement nécessaire, notamment lors de la consommation de boissons et de nourriture, pour se moucher le nez ou à des fins de lecture labiale pour les sourds et malentendants; que l'usage d'un masque seul ne suffit toutefois pas et qu'il doit toujours être accompagné par les autres mesures de prévention; que la distanciation sociale reste la mesure de prévention principale et prioritaire. Arrêté ministériel du 28 juillet 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 30 juin 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19.

[2]Une formation existe et elle est sensée, au bout de plusieurs années, résorber la pénurie de professionnels, toutefois, le temps de résorption sera très long. Pour devenir traducteur ou interprète français-langue des signes de Belgique francophone il faut faire un master universitaire en traduction ou interprétation français-LSFB. Au cours de ce master, la langue des signes de Belgique francophone est enseignée mais d’autres matières indispensables pour pouvoir effectuer ce métier le sont aussi. Comme avec d’autres langues étrangères, on est mal placé pour pouvoir prétendre à ce métier sans avoir acquis les compétences nécessaires. Renseignez-vous à l'Université Catholique de Louvainà l'Université de Saint-Louis ou à l'Université de Liège.

La Journée Internationale des Langues des Signes, fixée au 23 septembre, a été reconnue le 19 décembre 2017 dans une résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU.

La résolution n°A/C.3/72/L.36/Rev.1 a d’abord été adoptée à l’unanimité lors du 48e meeting du Troisième Comité de l’Assemblée Générale des Nations Unies le jeudi 16 novembre 2017 et puis officiellement adoptée le 19 décembre 2017 lors de la 72e Assemblée Générale des Nations Unies.

Cette résolution est l’aboutissement d’une requête formulée à l’origine par la World Federation of the Deaf, laquelle est soutenue par ses membres nationaux (diverses fédérations nationales de personnes sourdes, telle que la Fédération Francophone des Sourds de Belgique).

La langue des signes est-elle « universelle » ?

En Belgique francophone, la langue signée d’usage est la langue des signes de Belgique francophone dont l’abréviation est « LSFB ». Mais il y a d’autres langues signées à travers le monde. Il en existe autant de langues signées qu’il y a de communautés sourdes.

A l’attention des journalistes qui écrivent sur nous. Il y a des termes qui fâchent. Soignez vos mots s’il-vous plait :  « langage des signes » et « sourds-muets ».

Il n’y a pas d’inconvénient à tantôt utiliser les « sourds » vu qu’ils se définissent eux-mêmes comme « sourds » et s’appellent « nous les sourds ». Néanmoins, svp, bannissez le terme « sourd-muet » qui ne reflète pas leur réalité physiologique et les met tous dans le même sac puisque bon nombre d’entre eux sont en mesure d’oraliser aujourd’hui.

On parle donc de « langues signées » tout comme on parle de langues parlées, orales. On ne parle pas non plus de « langage des signes » mais de « langue des signes » ou « langues des signes », en définissant, si possible, laquelle ou lesquelles.

Combien de personnes sourdes et malentendantes y a-t-il ?

En Belgique, obtenir de vraies données chiffrées sur la population handicapée, dont les personnes sourdes et malentendantes est toujours très difficile, même aujourd’hui. Cette observation a fait l’objet d’une recommandation des experts de l’ONU à l’Etat belge en 2013.

Malgré tout, provisoirement, et face au besoin urgent de données, la FFSB a réalisé une estimation, la plus précise possible du nombre de personnes sourdes et malentendantes en Belgique francophone.

http://www.ffsb.be/donnees-specifique   et de façon générale : http://www.ffsb.be/statistiques

FFSB - La Fédération Francophone des Sourds de Belgique

Nous sommes une association d’éducation permanente qui fédère un réseau d’associations actives dans le domaine de la surdité et se fait le porte-parole de ces associations et leurs membres sourds et malentendants.

Nous portons leurs revendications sur la scène politique nationale et internationale (ONU) en réseau avec ses partenaires dont le BDF, UNIA le Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances, etc.

Nous assurons une mission d’information et de conseil pour toutes les initiatives visant à favoriser l’accessibilité, à promouvoir la langue des signes de Belgique francophone et à assurer l’intégration socio-professionnelle des personnes sourdes.


Notre directrice Marie-Florence Devalet à réalisé en LSFB le contenu de notre communiqué de presse à l'attention des personnes sourdes signantes.